Il y a 20 ans les salariés de Gautier ( en Vendée ) sauvaient leur patron


En septembre 1999, l’entreprise Gautier, au Boupère, a connu une crise sans précédent. Le directeur général est évincé de la société par la maison mère.


« Depuis mardi soir, Dominique Soulard n’est plus le directeur général de Gautier France », écrivions-nous dans Ouest-France le jeudi 9 septembre 1999. Il y a 20 ans, ce même jour, les 800 salariés de l’entreprise, dont le siège social est situé au Boupère, décidaient de faire grève en bloquant les trois sites de production vendéens (Le Boupère, Saint-Prouant et Chantonnay) pour sauver leur patron.
Ce départ « surprise » était alors la décision de la maison mère de Gautier, Seribo, située à Paris. Une décision prise par les actionnaires lors d’un conseil d’administration extraordinaire. Le limogeage de leur directeur ne passe pas auprès des salariés du fabricant de meubles : « Cet événement soulève une indignation et une totale incompréhension, soulignaient les syndicats CFDT et FO. Il assurait la pérennité de l’entreprise qu’il a défendue dans des circonstances délicates, et même souvent en opposition avec Seribo. Il était un rempart et le garant de nos emplois. » La grève sera « illimitée ».
Ce 9 septembre 1999, de l’ouvrier au directeur de la communication en passant par les commerciaux, les salariés sont réunis devant le siège du Boupère. Aucune sortie de semi-remorque n’est envisagée, alors qu’habituellement, il y en a 150. « Tous en grève pour garder leur patron », titrait Ouest-France le lendemain. Au Boupère, où se situe le siège social de Gautier, les salariés ont fait grève plusieurs jours. 
Après des jours de grèves, les salariés sauvent leur patron.
Il y a vingt ans précisément, Dominique Soulard réintégrait son entreprise,
Gautier, au Boupère. Lui, et son fils, actuel dirigeant de la société, se remémorent cette période.
« Le temps passe vite. Je n’ai pas l’impression que cette grève s’est déroulée il y a vingt ans. De ces semaines passées, j’ai encore tout en tête », lance Dominique Soulard, qui était directeur général en 1999 de Gautier, entreprise d’ameublement située au Boupère. 
L’ancien directeur général, aujourd’hui président de l’entreprise, passe encore beaucoup de temps dans la société désormais dirigée par son fils, David. Côte à côte, ils se remémorent facilement le passé. « Si je retourne vingt ans en arrière, ma décision de reprendre Gautier était simplement de répondre positivement à la demande des salariés. À ce moment, il était impossible de prévoir l’évolution de l’entreprise sur vingt ans. Le risque financier était important », explique celui qui a racheté la société 130 millions de francs, « alors que je n’avais que 100 000 en poche ! »
Dominique Soulard ne regrette pas ce choix : « Objectivement, je vis des moments de bonheur. J’ai beaucoup de fierté pour ce que vit l’entreprise. » Une fierté parce qu’après bientôt 60 ans d’existence, en 2020, « Gautier existe toujours, ce qui n’aurait pas été le cas si Seribo était resté ». Heureux aussi parce que l’entreprise est familiale : « Nos quatre enfants sont dans l’entreprise. C’est la plus belle des réussites et elle n’est pas financée par l’argent », se satisfait-il. L’argent justement semble loin des préoccupations de Dominique Soulard, même si pour son fils David, « il faut bien faire les choses pour pérenniser l’entreprise ». L’ancien dirigeant dit souvent à ses enfants : « Ne cherchez pas dans le grenier, il n’y a pas de blé. Par contre, je vous laisse un beau champ à labourer. »
Le père de l’actuel directeur général a osé le pari. Alors que son téléphone sonne ce mercredi 18 septembre, – « On m’appelle pour me souhaiter un bon anniversaire », sourit-il, il revient sur son retour chez Gautier, au lendemain d’une nuit de négociation avec le médiateur et Seribo. « C’est sûrement l’un des moments les plus forts de ma vie », raconte-t-il ému.
Alors qu’il s’attendait à voir une cinquantaine de personnes l’accueillir, ce sont finalement 400 salariés qui sont sur le site, à applaudir le retour de leur dirigeant. « J’ai discuté avec un délégué syndical qui m’a dit d’aller me reposer, que les salariés allaient relancer l’activité et récupérer les heures perdues pendant la grève. Et ils l’ont fait ! Ça, ça ne s’efface pas. Je l’ai dans mes tripes pour toute ma vie. »
Aujourd’hui, sur les quelque 850 salariés de l’entreprise répartis sur les sites du Boupère, Chantonnay et Saint-Prouant, 260 ont vécu la grève de 1999. « Et à chaque nouvel arrivant, on apprend l’ADN de Gautier. Car la société a son passé et son histoire et c’est une belle histoire. En Vendée, il y a de manière générale un grand degré d’attachement à l’entreprise dans laquelle on travaille. Ici, chez Gautier, il est encore plus fort », lance Dominique Soulard. Son fils approuve : « On sait que la vie d’une entreprise est faite de cycles. Avec mon père toujours présent, on a un consultant senior formidable car il a tout vécu. Les événements de 1999 sont la preuve d’un réel attachement à l’entreprise, et à son patron. »

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